Moving Cities
À propos de la ville

Berlin

La ville région saisit la justice pour défendre son droit d’accueil.

Principaux enseignements

  • 1

    Les régions fédérales en Allemagne peuvent faire la différence en repoussant activement les limites des restrictions imposées par la législation nationale.

  • 2

    Berlin a mis au point des programmes de logement, de santé et de service de conseil indépendant qui pourraient être facilement mis en œuvre dans d’autres villes et régions fédérales en Allemagne.

Qu’est-ce que la ville a d’unique ?

Une interprétation de la loi fédérale en faveur des intérêts des migrant⸱e⸱s: à la suite de l’élection régionale en 2016, le Sénat de la ville a commissionné des avocat⸱e⸱s et des représentant⸱e⸱s de la société civile antiracistes afin de déterminer comment la ville devrait mettre en œuvre les réglementations fédérales en matière d’immigration. Le Sénat a ensuite demandé aux autorités de la ville d’utiliser tous les pouvoirs que leur confère la loi fédérale pour en faire bénéficier les plus affecté⸱e⸱s. Berlin est aussi la première région fédérale d’Allemagne à avoir mené une action en justice pour défendre son droit à l’accueil sans l’aide de l’État.

Quels sont les résultats les plus marquants à ce jour ?

Un accès à la santé, au logement et aux services de conseil facilité : à la suite de l’instruction du Sénat de Berlin, la ville a amélioré l’accès au logement pour les personnes demandeuses d’asile. Elle a également étendu l’accès aux services de santé à tou⸱te⸱s, quel que soit leur statut migratoire officiel. La ville offre également un service de conseil indépendant pour les personnes demandeuses d’asile dès leur arrivée. Les groupes particulièrement vulnérables reçoivent un soutien particulier grâce à un système développé conjointement par le Sénat et des centres de conseil spécialisés.

Quels sont les facteurs clés ?

Une coalition de gauche et une société civile forte : Berlin est à la fois la capitale et la plus grande ville d’Allemagne, avec une culture politique libérale et une société civile puissante. Son statut de ville-région, gouvernée par une coalition de gauche composée du Parti social-démocrate d’Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands - SPD), des Verts (Die Grünen) et de La Gauche (Die Linke), a fait d’elle un lieu où des approches progressistes des politiques d’accueil peuvent être testées. Cependant, cette coalition a été remplacée en avril 2023 par une coalition entre les conservateurs de la CDU (Christlich Demokratische Union Deutschlands) et le SPD, dont on peut attendre une politique migratoire moins progressiste.

Quelles sont les actions politiques et de plaidoyer au-delà du niveau municipal ?

Berlin est à la fois active au niveau national et au sein de réseaux internationaux, afin de faire évoluer les cadres juridiques en faveur d’une politique migratoire plus inclusive. Au niveau national, Berlin a été à la tête de campagnes locales de réinstallation depuis l’avènement du mouvement Seebrücke en 2018 et exerce la pression pour plus d’autonomie des régions sur les questions d’accueil des migrant⸱e⸱s.

Membre des réseaux suivants

Télécharger le rapport complet de la ville

Le rapport contient plus d'informations sur les politiques migratoires et d'inclusion de la ville, ainsi qu'une séléction d'approches locales. Rapport de 2021, mis à jour en 2023.

Télécharger le rapport

Contexte politique de Allemagne

Organisation politique

En Allemagne, le gouvernement fédéral est en principe en charge des questions de citoyenneté, d’immigration et d’admission des réfugié⸱e⸱s. L’Office fédéral des migrations et des réfugiés, qui dépend du ministère de l’Intérieur, est responsable du traitement des demandes d’asile. Dans le même temps, les ambassades, qui dépendent du ministère fédéral des Affaires étrangères, décident des demandes liées au travail, aux études et au rassemblement familial. Les états fédéraux doivent appliquer les lois fédérales telles que la loi sur les allocations des demandeur⸱euse⸱s d'asile dans le cadre de la politique d’asile. Elles ont des marges de manœuvre pour l’application de ces lois, ce qui peut mener à un traitement très différent des réfugié⸱e⸱s entre les 16 états. Indépendamment du gouvernement fédéral, les états fédéraux peuvent, par exemple, délivrer des permis de séjour humanitaire par le biais de commissions d’aide, décider de stopper temporairement les expulsions et même d’offrir à des groupes entiers une perspective de séjour. En règle générale, les états fédéraux délèguent la prise de décision par rapport aux cas individuels aux offices locaux des étrangers. Pour ce qui les concerne, ces autorités ont une grande marge de manœuvre lorsqu’il s’agit d’évaluer les soi-disant obstacles à l’expulsion, l’octroi de sursis ou le renouvellement des titres de séjour.

Contexte historique

L’idée que l’Allemagne « n’est pas un pays d’immigration » a fait partie des débats politiques allemands durant des décennies après la Seconde Guerre Mondiale. Avec le temps, cette image de soi s’est progressivement confrontée à la réalité, lorsque le gouvernement fédéral commença à accueillir les soi-disant « travailleur⸱euse⸱s invité⸱e⸱s » du sud de l’Europe dès la fin des années 50 pour combler les pénuries de main d’œuvre des industries du pays, alors en plein essor. Contrairement aux prévisions politiques, des millions de ces travailleur⸱euse⸱s sont restés dans le pays, même après la « fin du recrutement » en 1973, alors qu’il·elle·s n’ont reçu aucune aide à l’intégration. Il·elle·s continuent à modeler la société allemande, tout en subissant des discriminations, par exemple en matière de droit de vote ou sur le marché du travail. Après la chute du bloc de l’est, le nombre de personnes demandeuses d’asile d’Europe de l’Est augmenta fortement. En 1992, le Bundestag vota des restrictions importantes au droit d’asile. Celles-ci ont alimenté « un climat de pogrom » dans certaines régions d’Allemagne durant la première moitié des années 90.

Les principaux développements de ces dernières années

L’« été de la migration » de 2015 a marqué un tournant à plusieurs égards. Sous la pression du mouvement des réfugié⸱e⸱s, l’Allemagne a permis l’arrivée d’environ un million de réfugié⸱e⸱s. La participation massive de la société civile au processus d’accueil, qui est devenue connue sous le nom de « culture de l’accueil » (Wilkommenskultur), a permis à de nouveaux·elles arrivant·e·s de trouver des liens sociaux et économiques plus rapidement que les générations de réfugié⸱e⸱s précédentes. Les responsables politiques ont créé une infrastructure d’intégration avec des ressources substantielles pour aider les réfugié⸱e⸱s à apprendre la langue, à se former et à accéder au marché du travail. Dès 2016, cependant, le climat changea et les politiques firent la promesse que « 2015 » ne se répèterait pas. Près d’une douzaine de lois ont été adoptées pour restreindre la politique d’asile. La tentative d’établir des quotas sur le nombre d’admission de réfugié⸱e⸱s par an figure parmi les conséquences les plus controversées de ce retournement. Bien que ce soit incompatible avec le droit fondamental à l’asile inscrit dans la constitution allemande, le gouvernement issu de la coalition entre conservateurs et socio-démocrates décide en 2018 de viser un quota non-contraignant de 180 000 à 220 000 admissions par an. Toutefois, les frontières extérieures de l’UE ont été largement fermées, ce qui a conduit l’Allemagne à accueillir considérablement moins de réfugié⸱e⸱s que les années précédentes. En parallèle à ces développements, et depuis une dizaine d’années, l’économie allemande a fait l’expérience d’une pénurie de main d’œuvre, exacerbée par un faible taux de natalité et une période de forte croissance économique. En 2020, la loi relative à l'immigration de main d'œuvre qualifiée (Fachkräfteeinwanderungsgesetz) a été mise en application, ce qui a permis de manière très limitée l’immigration de travailleur⸱euse⸱s en dehors de l’UE.

Les victoires des campagnes progressistes

En 2000, les organisations de migrant⸱e⸱s ont fait pression sur le gouvernement fédéral issu d’une coalition entre les socio-démocrates et les écologistes pour réformer la loi sur la citoyenneté du pays. Depuis, un enfant né en Allemagne de parents étrangers reçoit automatiquement la nationalité allemande sous certaines conditions, en plus de la nationalité de ses parents. Une dizaine d’années plus tard, les organisations de réfugié⸱e⸱s ont lutté pour des améliorations significatives de la loi sur l’asile après de nombreuses années de campagne. Les dispositions qui privaient ou attaquaient les droits issus du « compromis sur l’asile » de 1993 ont été abrogées ou adoucies. Parmi elles figurent la distribution d’« avantages en nature » (comme des colis alimentaires) plutôt que de l’argent aux demandeur⸱euse⸱s d'asile, ou l’interdiction de travailler. Cependant, ces améliorations ont été annulées après le retournement de 2016. Les victoires des campagnes progressistes incluent également le changement d’avis du gouvernement allemand sur le Règlement de Dublin. Pendant longtemps, c’était principalement l’Allemagne qui insista sur ce règlement, qui plaçait un lourd fardeau sur les pays aux frontières de l’Europe. Depuis 2014, le gouvernement allemand a été en faveur d’une clé de distribution européenne. Au niveau de la société civile, un grand nombre d’initiatives a émergé, allant des associations locales d’accueil, aux grandes ONG de sauvetage en mer.